mercredi 4 mai 2016

« Sport sur ordonnance » Parcours législatif, obstacles et mise en œuvre de l'amendement 917



Valérie Fourneyron – Mardi du Master – INSEP
                         Les Mardis du Master accueillent le mardi 15 mars 2016 Valérie Fourneyron sur le thème :

                            « Sport sur ordonnance »                               Parcours législatif, obstacles et mise en œuvre de l'amendement 917

Les médecins traitants pourront prescrire des activités physiques adaptées aux patients atteints d’Affections de Longue Durée. En France, plus de 9 millions de personnes souffrent d’une des trente ALD reconnues (diabète, maladies coronariennes ou neurologiques, cancers, etc.). L’activité physique, lorsqu’elle est adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient, constitue une thérapeutique non médicamenteuse reconnue et validée scientifiquement, en complément des traitements traditionnels.

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Date et lieu : Mardi 15 mars 2016 de 18h à 20h0 - INSEP, 11, avenue du Tremblay 75012 Paris (Amphi C)



Thierry Barrière : Brève introduction, conférence organisée dans le cadre du master « Sport, expertise, performance de haut niveau », qui a pour vocation de former les cadres supérieurs du sport en France. Les invités sont des personnalités qui jouent un rôle dans la destinée du sport de haut niveau, à réfléchir sur l’éthique et les évolutions du sport aujourd’hui. Cette conférence s’inscrit dans un triptyque de conférences, présentées par JF Toussaint, directeur du master.

JF Toussaint : Cette conférence fait suite à deux conférences sur la santé, une sur l’entreprenariat avec Roland KRZENTOWSKI (ClinicProSport) et une sur la génétique et la longévité dans le sport avec Toussaint.
Présentation de Madame Fourneyron : député maire de Rouen, ancienne ministre des sports. Médecin du sport à Rouen en 1984, médecin inspecteur régional de la jeunesse et des sports dès 1989, puis chargée du suivi de la médecine du sport au ministère. Entre 91 et 95, médecin de l’équipe de France de volleyball, puis en 1995 rejoint Yvon Robert à Rouen, travaille sur la loi du 23 mars 2000 sur le dopage, élue député socialiste en 2007 et devient vice-présidente du groupe parlementaire, chargée du sport, en 2008 élue maire de Rouen au premier tour. Bataille en faveur de l’environnement également, chargée par le ministère de s’occuper de l’axe Seine Le Havre/Rouen/Paris pour limiter la pollution. Equipe de Martine Aubry en 2011 avec Diniz, devient ministre en mai 2012. En 2013, nommée à l’Agence Mondiale Antidopage et en septembre 2014, elle y devient la présidente du Comité Santé Médecine et Recherche. Ce comité accrédite les laboratoires, établit les listes des médicaments interdits et oriente les recherches. Questions sur les pratiques russes, après les évictions et les problèmes posés pour les athlètes russes propres.
è intérêt de la conférence, dans le cadre de la loi de santé portée par Marisol Touraine, « vous avez réussi dans un combat important à faire accepter l’amendement 917 Sport sur ordonnance. Vous nous direz comment vous avez mené ce combat avec Régis Juanico, avec deux autres députés, comment vous avez pu construire progressivement ce combat et comment il s’est soldé, mais surtout vous souhaitiez à l’adoption une réalisation rapide des décrets d’application, on sait qu’en France c’est souvent dans ce domaine là que pêche la politique française et la difficulté à mettre en œuvre une fois que le concept, l’idée à été réalisée, vécue et votée, de mettre en œuvre l’ensemble des possibilités. Et puis un autre élément tout récent aussi, en janvier 2016, a montré l’importance, peut-être dans le domaine de la simplification mais surtout dans le domaine de l’accessibilité, de l’ouverture du sport pour tous, c’est celui du certificat médical en particulier dans le contexte scolaire. Cette simplification fait que les élèves n’ont plus besoin de certificat puisque s’ils sont aptes dans le domaine scolaire, ils le sont aussi le mercredi après-midi pour les activités sportives dans le cadre de l’UNSS en particulier dont on espère voir augmenter le nombre de licenciés ; en particulier un autre terrain qui vous est cher, celui des licenciées E, puisqu’on voit qu’il y a 40% de licenciées filles alors qu’elles ne sont que 30% dans les autres fédérations, là aussi c’est quelque chose dont nous avions eu l’occasion de discuter de nombreuses fois. Vous disiez en juin 2015 à la Croix : « C’est passionnant de participer aux grandes décisions, ça me manque », vous nous direz peut-être comment ce processus de désintoxication se fait progressivement ; et puis surtout vous disiez que après 20 ans de vie politique vous aviez deux grandes fierté. La première c’est le sport, qui vous disiez est une des plus belles choses qui soient, et qui vous disiez est aujourd’hui admis comme bon pour la société et pour la santé, évidemment c’est cela qui nous réunit, mais aussi votre deuxième fierté la rénovation de très beaux quartiers de Rouen… »


Valérie Fourneyron : « Plaisir de vous retrouver, Jean-François Toussaint a évoqué un parcours à partir de 1984 mais qui commence en fait en 1959, donc je commence à avoir un petit peu d’ancienneté sur cette question du sport-santé, et puis plaisir à partager ce moment avec vous. Je vais me concentrer surtout sur le sport-santé. On peut prendre le temps d’aborder ce sujet et la façon dont on a atterri sur cette loi qui nous motive les uns et les autres depuis des années, le sport comme outil de santé publique, mais qui au-delà de la motivation et de l’engagement dans notre parcours a besoin d’une vraie traduction politique dans notre pays et c’est d’abord ça qui est aujourd’hui une satisfaction qui  est très largement partagée.

Déjà, juste pour démarrer, je voudrais partir d’un constat fait la semaine dernière où j’étais au forum européen à La Haye, et l’Union Européenne est en train de réfléchir à la façon dont elle pourrait inscrire dans ses politiques, penser la place du sport. Et dans ce cadre le commissaire européen a mis en place deux groupes de travail, un sur tout ce qui est sport pour tous, et un autour de la diplomatie sportive, autour de comment est-ce que le sport pourrait être un outil diplomatique pour l’UE dans les politiques d’élargissement et de voisinage de l’UE, dans ses défis migratoires, et y avait à l’occasion de ce forum européen un des intervenants qui a clairement dit il y a 4 grands enjeux aujourd’hui qui pèsent sur nous tous pour l’avenir du monde : le premier ça vous étonnera pas c’est la montée du terrorisme, le deuxième c’est les inégalités et l’ensemble des défis migratoires, troisième vient de l’évoquer Jean-François ce sont tous les enjeux de réchauffement climatique et quatrième c’est l’accroissement de l’inactivité physique. Ces enjeux qui sont les nôtres sur le plan national mais aussi évidemment plus largement sur le plan européen car jamais la thématique du sport comme outil de santé n’a été aussi prégnante dans les politiques publiques. Déjà tout simplement parce que la sédentarité aujourd’hui est la première cause de mortalité évitable dans le monde selon l’OMS. 60% des européens ne font pas suffisamment d’activité physique pour rester en bonne santé, et plus crûment l’OMS dit « Nous dépensons collectivement 80 milliards d’euros par an en soin de santé, qui sont liés à cette inactivité, mes confrères ne me démentiront pas.

Donc parler de sport santé, du sport sur ordonnance pourrait effectivement nous permettre de passer de longues heures ensemble. Mais à travers cette introduction sur cet enjeu de santé publique qui dépasse nos frontières, dire que si pour moi y a eu un combat avec quelques coups bas, avec des rounds successifs jusqu’à la traduction législative du sport sur ordonnance, c’était avant tout la suite de ce parcours qui a été pas forcément destiné à la politique mais beaucoup plus destiné au sport et à la santé, que tu as bien voulu retracer, c’est parce que je suis persuadé que le sport doit être un droit pour toutes et pour tous. Quand on voit, le fait de dire, les éléments de l’inactivité combien ça coûte en termes de santé, en termes de soin, on dit faut un droit à l’éducation et faut un droit au sport au regard de l’ensemble de ce qui pèse quand cet accès au sport, à l’activité physique aujourd’hui n’existe pas. Alors le sport sur ordonnance pour moi c’est d’abord un combat pour l’égalité et pour qu’il y ait plus de citoyens qui puissent accéder à l’activité physique. On cesse, il faut qu’on cesse de décourager dans notre organisation collective des personnes en situation de handicap, des personnes qui ont une affection longue durée, une maladie à 100%, qu’on cesse de les décourager d’accéder à la pratique d’activité physique et sportive. Je dis c’est toute notre construction collective, autour du certificat de non contre indication à la pratique du sport, on commence par se poser la question de la contre-indication de la pratique du sport alors que le sport devrait être indiquer pour tous, pour toutes, quelles que soient ce que montre sa capacité physique, et ses conditions sociales, et donc on a une construction qui a toujours été plutôt celle de regarder quels sont ceux qui pouvaient pas plutôt que de dire que tout le monde peut dans un contexte qui est variable, et c’est cette égalité d’accès à la pratique,  ce droit au sport quelle que soit sa condition qui était pour moi l’élément un peu moteur de cette place du sport dans la loi santé. C’est pour ça qu’avec mes collègues, Régis Juanico (Loire), Brigitte Bourguignon (Pas-de-Calais) et Pascal Deguilhem (Dordogne)[1], nous avons souhaité être moteurs d’une petite partie de la loi de santé, mais importante quand même puisque l’amendement 917 est devenu l’article 144 de la loi, qui a été promulguée le 26 janvier dernier, j’ai encore pas mal de médias qui nous interrogent et qui demandent quand est-ce que c’est mis en place ? Mais oui ça y est la loi elle est promulguée, donc l’amendement il est inscrit aujourd’hui dans la loi.

Alors un petit parcours quand même de ce texte et revenir sur la façon dont on a comme on dit atterri. Le sport outil de santé publique ça fait parti de ma colonne vertébrale, comme médecin du sport pendant des années, sportive moi-même (j’ai fait un peu de volleyball, comme vous le voyez ma taille m’a pas permis de faire une carrière de haut-niveau et y avait pas de libéro à l’époque, donc j’ai pas pu aller plus loin que la catégorie cadette). Et donc parcours de sportive, de médecin du sport, parcours politique, et j’ai toujours été persuadée que le sport fait plus de bien que le médicament. Je suis pas non plus maniaque, je sais aussi que le sport, si on en fait beaucoup on a aussi des pathologies qui apparaissent plus tôt que quand on fait de façon raisonnable… La coxarthrose du footballeur elle arrive plutôt que celui qui joue une fois de temps en temps. Et juste ce qui m’a toujours affolé comme médecin, c’est de voir les sportifs de loisir, en âge avancé, se lancer dans la course à pied, et pour courir un marathon au moins 4h s’entrainent dix fois par semaine et organisent toute leur vie sociale, professionnelle, familiale, derrière cette pratique d’APS et du coup en viennent à être devenus des asociaux, à avoir des problèmes au boulot et en famille parce qu’ils ont à un moment donné rencontré l’activité sportive et ont voulu le décliner comme un sportif de haut niveau sauf qu’il y a un âge pour tout et que le sport effectivement fonctionne comme un effet dose, sur les pathologies mais aussi parfois sur l’équilibre personnel de chacun et il faut jamais l’oublier.

Alors quand le parcours professionnel peut se rencontrer avec le parcours politique autant saisir l’opportunité. C’était bien sûr l’opportunité de cette loi mais c’était d’abord l’opportunité d’être dans un gouvernement, un honneur et une responsabilité, et en octobre 2012 donc juste quelques mois après la nomination du premier gouvernement de ce quinquennat, on a présenté en conseil des ministres avec Marisol Tourraine une communication sur sport-santé. Alors ça peut vous paraître à tous quelque chose d’anecdotique. Les communications en conseil des ministres ça reste des moments rares, on en a en ce qui concerne le ministère des sports, 2 ou 3 sur un quinquennat. Et donc avoir une communication qui rassemble David et Goliath, le petit ministère des sports et le grand ministère de la santé, deux maisons qui ont pas la même histoire ni le même périmètre, pas le même positionnement suivant les gouvernements… ça a été un moment de conquête qui a été important. C’est dans ce cadre qu’a été présentée toute une stratégie autour du sport santé, avec à la fois favoriser le sport pour tous, on évoquait déjà le certificat médical dans cette première communication au conseil des ministres. Y avait donc cette partie outil de santé publique et prescription donc du sport pour un certain nombre de patients, et y avait cette nécessité de mieux structurer sur nos régions les réseaux sport-santé-bien-être. Y en avait 2 en 2012, y en a aujourd’hui dans toutes les régions. Et pour faire avancer ce dossier il fallait mettre un peu de sous sur la table, et coordonner sur chacune des régions les ARS et les DRJSCS. Pour ceux qui ont une petite habitude du fonctionnement des services de l’état, ce sont deux maisons qui ont pas le même poids sur le territoire, et donc il fallait à la fois que le ministère de la santé accepte de mettre des moyens dans ses agences, et le ministère des sports mettent aussi des moyens du CNDS sur le développement de ces réseaux sport-santé. C’est ainsi que sont nés 26 réseaux SSBE sur le territoire français, et qui ont aussi une coordination nationale avec un pôle ressource au ministère, avec Martine Duclos et JF Toussaint et d’autres, je dirais référents en matière de sport santé.

Alors la loi, pendant que les deux ans au ministère on fait avancer d’autres sujets, mais on a fait évoluer ces réseaux sport-santé, on a commencé à travailler sur une meilleure évaluation de ce qu’on faisait, et est arrivé le débat sur la loi santé. Revenue à l’assemblée comme député, je me pose parfois la question de, si j’avais été encore ministre à ce moment-là, si finalement on aurait atterri et abouti aussi positivement. Parce que le débat parlementaire permet d’enrichir les textes proposés par les ministres, c’est le principe. Alors me retrouver comme parlementaire à enrichir ce texte, c’était une position nouvelle mais qui permettait d’avoir toute la chaîne de l’histoire. Donc peut-être qu’on l’aurait pas eu de la même façon parce que c’était la ministre de la santé qui était au banc, c’était son texte, pas celui du ministre des sports. Et du coup le travail parlementaire a été sans doute facilité dans ce cadre-là.

Alors trois choses dans ce texte de loi qui me tenaient à cœur. La première chose c’est comme dans tout texte de loi vous avez un article 1, c’est l’environnement d’une politique de santé publique en France. Dans le premier texte qui est arrivé à l’assemblée nationale, y avait rien sur l’APS, y a d’autres choses qui sont majeurs évidemment en termes de santé, les conduites addictives, l’école, la pollution, qui ont des traductions sur notre potentielle santé. Mais dans cet environnement, il m’a semblé intéressant de dire qu’il y avait des choses négatives, tu boiras moins, tu fumeras moins, tu mangers moins gras, et là le sport c’était au contraire quelque chose de positif. Donc on a inscrit que dans notre environnement il fallait faciliter l’APS et que c’était un élément d’une politique de santé. Ensuite il y a eu un deuxième amendement qui a été porté, c’était faciliter l’accès à la pratique du sport pour le plus grand monde, un droit. La première rencontre avec le sport c’est les cours d’EPS et bien souvent le sportif le montre c’est le sport scolaire. Et donc dans notre organisation, le mercredi matin on est dans son gymnase avec l’enseignant, on est apte à faire du sport dans son cours d’EPS et le mercredi après-midi on est avec le même ballon dans le même gymnase mais comme c’est l’UNSS il faut un autre certificat médical. Mais les parents vous diront, alors pas toujours en Île de France (toujours une différence avec la Province), mais avoir dans des territoires où c’est compliqué d’avoir un rdv avec son médecin, il faut le faire en début d’année etc., alors entre des examens fait un peu vite parce qu’on connaît le gamin ou les examens qui sont attendus pendant des semaines parce qu’il y a pas de place etc., donc quand vous entendez les parents ils vous disent quelle galère et ils ont raison. Le coût, ne l’oublions jamais, c’est un certificat de prévention, et dans notre système de santé les certificats de prévention ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie, donc 23 euros de frais, plus la licence UNSS, ça double l’accès. Et donc les enseignants d’EPS vous diront que dans les secteurs les plus en difficulté, vous n’aviez jamais les certificats médicaux donc que les gamins ne pouvaient pas pratiquer. Donc on a fait sauter le certificat médical et je peux vous assurer que les 1 millions de licenciés UNSS aujourd’hui c’est un vrai facilitateur pour eux.

Et puis le 3e élément de ce texte que nous avons porté c’est inscrire la prescription des APS pour les patients en ALD, donc les patients dit à 100%. Dire aujourd’hui que il y a en plus des thérapeutiques médicamenteuses, il y a des thérapeutiques non médicamenteuses complémentaires de celles classique, c’est aujourd’hui une réalité. L’INSERM nous le rappelle depuis 2008 en nous disant que le développement d’une APS régulière dans les populations de patient apparaît comme une priorité de santé publique. Les programmes doivent être ambitieux, visant au long terme, ne négligeant aucun aspect possible, mobilisant un grand nombre de professionnels, d’acteurs du champ sanitaire, médico-social, social et sportif. On est en 2008, on a avancé sur un certain nombre de pathologies (coronariennes, BPCO), mais on n’a pas avancé beaucoup plus que ça. En 2011, c’est la HAS qui rappelle que notre pays est très en retard sur la prise en compte de ces thérapeutiques non médicamenteuses et elle cible clairement l’APA. Donc y a un plan national nutrition santé (2011-2015) sous l’autorité de JF Toussaint, et on multiplie depuis des années, à la fois l’INSERM, la HAS, des initiatives importantes, on multiplie des études scientifiques en France, à l’étranger, des publications les plus connues au 4 coins du monde qui vous montrent qu’on a des conclusions scientifiques avérées sur le cancer du sein chez la femme (30 à 40% de réduction de mortalité), l’acceptation du coût et l’acceptabilité de ces traitements qui du coup avec une APA permettent de contrebalancer certaines toxicités d’un certain nombre de traitement. (sur le cancer du sein, l’équilibre des patientes et la tolérance de leur traitement peut être améliorée), mais aussi le fait que l’AP en elle-même permet de réduire les récidives des pathologies. De la même façon, on pourrait parler des études sur le cancer du colon ou de la prostate chez l’homme. Et donc ces impacts sont aujourd’hui parfaitement avérés sur un certain nombre de pathologies.
On a aussi des études scientifiques qui montrent qu’il n’y a pas que les pathologies à 100% qui sont améliorées en termes de prise en charge. La tension artérielle par exemple, si vous avez une AP régulière, vous baissez considérablement votre consommation d’antihypertenseurs, ou la prise en charge d’un diabète etc etc.

Alors pour avancer sur le texte de loi, il m’a semblé et je pense que le résultat me donne un peu raison, qu’il était indispensable de cadrer cette prescription d’APS. On aurait envie d’écrire AP pour tous, même quand on n’est pas malade ou qu’on n’a pas une pathologie grave. N’empêche que si on ne cadrait pas dans un premier temps notre mode d’intervention, on aurait encore plus fait peur disant, ce qu’on a entendu au début, « ça y est on va faire rembourser toutes les salles de remise en forme par la sécurité sociale », et donc c’est pour ça qu’on a choisit une porte d’entrée qui correspond plus à notre état d’esprit dans le pays.

C’est un texte original dans sa construction aussi, parce que la loi en France fait souvent du bottom down, alors que là on n’est pas parti de rien, on est parti d’initiatives qui sont aujourd’hui de plus en plus importantes par des fédérations, des associations, des centres de santé, par des collectivités, des partenaires publics ou privés. On n’est pas parti de rien, je vais pas citer toutes les initiatives vous les connaissez (par exemple l’athlé avec le coach athlé santé). Les collectivités, on cite souvent Strasbourg et on a raison, qui est une collectivité qui a emmené plusieurs partenaires dont l’ordre des médecins, Biarritz aussi. Il y a de plus en plus de choses faites par les collectivités, et des acteurs sur le terrain qui ont commencé à travailler sur le terrain autour de cette thématique, et l’association d’ESS avec de nombreux étudiants APA qui sont dedans qui travaillent sur des interventions dans des résidences de personnes âgées, qui interviennent souvent en collaboration avec des centres de cancérologie etc., on a beaucoup d’initiatives comme ça (camy sport dans plus de 50 département aujourd’hui), mais là on a eu un prise de décision législative qui a été du bottom up et ça c’est assez rare dans notre paysage. Ce n’est jamais le travail d’un seul, comme la politique, c’est jamais une initiative personnelle, c’est un travail collectif. Et donc on ne réussit que quand il y a une démarche collective et on avance dans ce cadre là. C’est un bon exemple d’une conclusion législative d’un travail mené par de nombreux acteurs.

Alors du coup certains m’ont dit « pourquoi puisqu’il y a des initiatives un peu partout, il faut le mettre dans la loi ». Mais le cadre pérenne c’est le cadre législatif. Et comme on dit, les bonnes idées c’est comme les citrouilles quand ça s’arrête de grandir c’est que c’est mort. Alors oui, il fallait absolument légiférer pas pour complexifier loin de là mais parce que on a besoin d’inscrire ça dans notre environnement collectif. Aujourd’hui quand vous avez un patient qui va chez le médecin, qui est suivi pour une pathologie cancéreuse dans son centre spécialisé, et donc c’est son médecin traitant qui le retrouve ensuite, qui a une forme de confiance et de suivi de sa pathologie. Si son médecin traitant demain se met à lui prescrire de l’APS, la première réaction dans la culture du médicament qui peut tout, c’est de se dire « il se fiche de moi », et il va vraiment avoir besoin de comprendre et cette étape-là elle est vraiment indispensable. Vous avez dû voir la campagne sur l’antibiotique, combien il nous a fallu de travail collectif pour se dire que c’est pas parce que le médecin ne prescrit pas d’antibiotique que c’est un mauvais médecin. Et on a besoin d’inscrire aussi cette prescription d’APS, c’est à dire prescription donc adaptée aux capacités du patient, sur la durée, à quel moment on le revoit et comment on encadre cette prescription médicale. Alors il y a eu des tas de sondage sur sport sur ordonnance et ça fait plaisir quand on travail là-dessus. TNS-SOFRES dit que 96% des français sont favorables au sport sur ordonnance, ça veut pas dire que demain ils seront prêt à le faire hein. Mais y a aussi une étude très intéressante qui montre l’intérêt de l’inscrire dans la loi, et donc une étude de l’IFOP et une assurance qui a déjà décidé d’inscrire dans son contrat d’assurance l’activité physique pour des personnes malades. Et donc ils ont fait une étude sur 600 médecins généralistes. 92% estimaient qu’il était de leur responsabilité de promouvoir l’APS. 82% considéraient que cette prescription par le médecin telle que proposée par l’amendement était une bonne idée. 72% de ceux qui ne prescrivaient pas d’APA disaient qu’ils le feraient demain si l’amendement passait. Et donc on a besoin bien de voir, c’est sympa d’avoir un travail législatif qui est évalué par un sondage immédiat. Oui c’est sympa mais ça veut dire que ce chemin-là il fallait le faire et il faut le faire. Parce que cette culture là n’est pas la notre au départ, elle a besoin de s’organiser et elle a besoin d’un sacré coup d’accélérateur et d’une prise de conscience collective par chacun des acteurs de la chaîne. Alors inscrire cette APS dans le parcours de soin des patients ça va concerner prêt de 30 ALD et 9 millions de patients.

Il va bien sûr falloir derrière que cette prise en charge elle soit de qualité. J’ai dit, j’ai voulu simplement que ce soit encadré dans les affections à 100% pour ne pas ouvrir une boite de Pandore et surtout comme une première étape. Donc le champ d’application est très précis, c’est clair on n’est pas en prévention primaire/secondaire mais en tertiaire. 2, la pratique doit être adaptée, il s’agit bien d’un médecin et d’une prescription sous contrôle du médecin. 3, exigences de qualification des intervenants. Ca ça donnera une assise forte, stable, inébranlable à cette prescription. Si derrière on n’a pas cette qualité de l’ensemble de la chaîne, on aura immédiatement des freins à ce développement. Premier obstacle que vous avez pu voir dans ce débat parlementaire est celui du gouvernement, puisqu’en première lecture la ministre de la santé n’y était pas favorable, et puis l’assemblée parlementaire de droite et de gauche était plutôt favorable donc ça avait plus de poids, au sénat sur le principe d’abord sur la loi santé le débat était ailleurs et pas sur l’APS, ça les passionne pas, mais on a parlé du tiers payant etc., donc au sénat dans un environnement qui était un environnement politique d’opposition, on a aussi balayé l’amendement sport santé sous le prétexte « on va quand même pas en plus s’occuper dans une loi de santé du sport ». C’était pas très… Et puis en deuxième lecture à l’assemblée on a réussit à emmener très très largement l’ensemble des parlementaires et surtout à le faire en accord avec le gouvernement ce qui nous a donné une force supplémentaire et nous a permis d’aboutir.
Y a un élément aussi qui a pesé, c’était que tous collectivement nous sommes soucieux de maintenir notre qualité de soin et de prise en charge des patients, et donc d’un dispositif d’accueil collectif mais avec l’enjeu de réduire de 50% les coûts de la sécurité sociale, c’est un enjeu pour tous. Il faut qu’on continue à pouvoir permettre d’accéder pour tous à ce système collectif que nous avons bâti après la seconde guerre mondiale. Dans cette prescription, dans ces analyses scientifiques qui nous prouvent la diminution des récidives et des effets secondaires un élément économique, qui aujourd’hui, la CNAM a évalué cette économie sur les diabétiques insulino-dépendants à 50% du total de la prise en charge de ce patient. Plusieurs milliards d’euro donc. Le cancer du sein, la diminution c’est des centaines de millions d’euros par an en moins. Des expériences qu’on avait mené dans des résidences de personnes âgées en Bretagne, on avait financé dans le cadre de notre réseau avec jeunesse et sport, on avait financé des éducateurs sportifs dans les maisons de personnes âgées dépendantes. Au bout de deux ans (il faut toujours évaluer les politiques publiques), il y avait une telle diminution des coûts de soin que le prix des éducateurs sportifs est rentré dans le prix d’hébergement proposé par l’ARS avec les frais généraux. C’est-à-dire qu’on avait prouvé l’efficacité sur la réduction des coûts de soin et donc on avait inscrit cette prise en charge dans la résidence. A Strasbourg ils ont évalué environ 150€ d’économies avec leurs patients pris en charge dans le cadre du dispositif. Donc on a aussi cette évaluation économique bien sûr indispensable à faire. Et si les mutuelles, les assurances privées, aujourd’hui des complémentaires santé sont soit déjà engagées dans les réseaux soit veulent aller plus loin dans leurs contrats responsables et commencent à aller plus loin pour prendre en charge l’APS à 100% pour leurs patients c’est bien aussi qu’ils sont persuadés que ça va leur faire faire des économies à l’arrivée, et il n’y a pas de plus belle économie que de permettre aux gens d’être en meilleure santé.

Alors il nous reste les décrets d’application, c’est-à-dire tout simplement de dire dans quel contexte et avec quelle qualification le médecin peut prescrire, et dans quel contexte et avec quelle qualification des acteurs peuvent prendre en en charge ces patients. Et là, dans une grand honnêteté avec vous, une grande transparence, ça a été quand même un moment délicat du débat parlementaire. 9 millions de patients qui allaient tout d’un coup pouvoir accéder à une APS, et alors à un moment donné c’était devenu « mes patients » pour les kinés ils doivent obligatoirement rester chez moi, « mes patients » pour les APA (qui sont formés dans les mentions APA), « mes patients » pour le monde sportif etc. Et donc comment faire, y en a qui relèvent du code de la santé, d’autres du code de l’éducation nationale et les troisièmes qui relèvent du code du sport. Rien de plus simple que de mettre tous ces acteurs autour de la table. Et c’est le travail qui est en cours au ministère de la santé avec l’ensemble de ces acteurs autour de la table. Au bout d’un moment j’ai un peu levé le ton j’avoue en disant « mais attendez on est là pour des patients, on n’est pas là pour votre clientèle, on est là pour des patients ». Oui c’est un enjeu évidemment d’emploi pour certains, oui c’est un enjeu évidemment de coût mais c’est d’abord un enjeu de santé publique pour des gens, donc ne les oublions pas dans les querelles de positionnement des uns par rapport aux autres. D’autant plus que dans ce parcours de soins, il y a évidemment la place de chacun des acteurs. Le médecin il a décidé d’envoyer son patient chez un kiné parce qu’il considère qu’il a besoin d’un kiné pour tel type de prise en charge au début d’une pathologie par exemple, et bien il va continuer à le faire. Si aujourd’hui on a un moment où il faut absolument qu’il y ait tel type de qualification et on sait que dans la mention APA il y a eu cette qualification obtenue, et bien le patient pourra être facilement orienté vers cette structure où les APA interviennent. Au moment où on vient dans le mouvement sportif avec des coach athlé santé, un complément de formation etc., c’est pas demain matin 9 millions de licenciés supplémentaires non plus. Par contre ça veut dire que dans nos clubs sportifs, et ça a commencé et c’est une très bonne chose, et bien il faut réfléchir à ce qu’il est des créneaux et de l’encadrement pour ces nouveaux publics. Et donc il est claire qu’on est sur des prescriptions, et comme toutes les prescriptions il y a un début et une fin. Et donc si vous avez quelqu’un qui n’a jamais fait d’AP et qui poursuit son traitement d’une maladie grave, il va falloir une prise en charge qui est un peu « cocooning » parce que le patient il va jamais franchir la porte de votre club d’aviron spontanément, jamais. Donc il faut qu’il y ait d’abord cette prise en charge qui soit dans un cadre particulier, et il est évident que cette prescription ne va pas durer plusieurs années. Or scientifiquement, ce qui est une certitude, c’est que l’AP ça marche que si ça s’inscrit dans la durée. Donc de toutes façons il faudra que ces patients continuent ensuite, mais ils seront plus patients à ce moment-là, ils seront pratiquants de loisir dans un club. Et donc on a vraiment besoin d’inscrire cette activité dans un parcours de soin où à un moment donné il y a des gens dont l’objectif qu’ils ne soient plus des patients ou en tout cas qu’ils puissent intégrer des structures pour les uns comme pour les autres. Donc ce travail il est plus qu’engagé, il est aussi engagé pour la profession du médical, parce que dans notre formation on apprend plutôt les thérapeutiques médicamenteuses et autre que celles qui ne le sont pas, et dites aujourd’hui à 90% des médecins que demain leurs patients diabétiques ils vont les envoyer vers une pratique sportive et ils vont adapter leur taux d’insuline à la pratique sportive… y en a beaucoup qui vont se dire oulalalalala je suis pas forcément formé à ça.

Donc on a une obligation aussi d’inscrire dans le parcours de formation des médecins et puis bien sûr dans le parcours de formation continue des médecins la nécessité de mieux appréhender quel type d’APS pour quel type de patient avec quelle fréquence, qui sont des éléments qu’on abordait avec des médicaments mais pas avec de l’APS dans notre pays.

Donc cette rédaction elle sera, Xavier Bigard la pilote aujourd’hui au ministère de la santé (un acteur bien connu de la médecine du sport), et donc je suis pour un aboutissement avant la fin de l’année, qui pour une loi qui a été publiée en janvier, serait un délai finalement relativement court et sur lequel on ne lâche rien pour ne pas laisser de décrets d’application en rase campagne.

Voilà un peu la façon dont nous avons travaillé, collectivement, sur cette thématique de sport-santé, et aujourd’hui peut-être je peux vous dire une belle citation de Platon pour finir : « Aux enfants et au monde il faut laisser un bel héritage de conscience plutôt que d’or », c’est en tout les cas ce qu’on a essayé de faire, de faire prendre conscience que aujourd’hui il y a une place pour l’APA, pour des patients dans un pays où peut-être que la première cause de mortalité évitable c’est la sédentarité. Voilà un peu les défis qui ont été les nôtres et qu’on a essayé de relever à cette occasion.

Question : est-ce que vous pourriez parler un peu de l’initiative d’Alain Calmat au CNOSF pour aider justement les médecins dans cette prescription ?

Réponse : J’ai évoqué, on fait jamais rien seul, ça fait des années que la commission médicale du CNOSF travaille sur cette place du sport-santé. Le ministère vous savez donne un peu de sous et des cadres aux fédérations, moi j’ai souhaité que dans ces conventions d’objectifs il y ait une dimension sport-santé et que cette dimension soit portée, partagée par le mouvement sportif, et dans ce cas la commission médicale du CNOSF a travaillé avec la commission médicale des fédérations. Plus d’une cinquantaine aujourd’hui ont répondu présent pour faire, alors ça s’appelle pas le Vidal du sport parce que le mot Vidal on peut pas l’utiliser car il a des droits, mais une publication, un document collectif qui permet de mieux savoir quel type d’activité physique pour quel type de patient, quel type d’AP fait travailler quelle filière (aérobie, anaérobie etc.), quel type d’AP fait travailler quel type de chaîne sur le plan biomécanique et tout, c’est à dire mieux décortiquer chacune des APS dans les fédérations et du coup permettre derrière au médecin, comme quand ils ouvrent leur Vidal : c’est quoi la posologie ? Et bien c’est ça. La posologie de l’aviron pour quelqu’un qui a tel type de pathologie par exemple etc. C’est vraiment progresser ensemble, sur cette meilleure connaissance aussi des fédérations et de ce qui est développé dans chacun des sports porté par ces fédérations. C’est quand même une sacré évolution, dans les fédé les commissions médicales j’ai vécu dedans je peux vous dire qu’avant tout c’est vraiment le haut niveau, c’est normal hein, comment on accompagne au mieux le sportif etc. donc ils sont sur le haut niveau. Demander aux commissions médicales des fédérations de travailler sur l’approche pour monsieur tout le monde, sur comment est-ce que la discipline peut être adaptée à un certain nombre de patients et comment est-ce qu’elle n’est pas adaptée à d’autres activités. Il y a à la fois un effet dose et à la fois on ne peut pas tout faire faire à tout le monde. L’eau est favorable aux asthmatiques par exemple, y a aussi des environnements qui sont favorables pour certains sports et qui ne sont pas pour d’autres, et on a besoin de mieux les appréhender, et ça va aider les médecins sur le même principe que le vidal, et là-aussi c’est une étape de culture, en se disant demain y a le vidal des médocs mais aussi le vidal de l’APA. Monsieur Perez j’ai presque honte de parler devant vous, en médecine on dit qu’on a des maitres et il a été mon maitre quand j’étais jeune.

Q : Aujourd’hui on a l’impression que les patients n’ont pas envie de bouger du tout et les éducateurs ne sont pas formés à ça, c’est le premier point, et autre point, les clubs sont pas prêts à recevoir des patients, pour des problèmes de structure mais également parce qu’il y a des images, comment recevoir des patients dans des clubs alors que ça fait mauvais effet, comment changer ces représentations ?  Et puis aujourd’hui vous l’avez dit les éducateurs sportifs sont tournés vers le haut niveau, donc ils ne savent pas vraiment adapter leurs séances pour des patients, ça peut même être dangereux, alors comment adapter pour qu’il y ait un réel bienfait ? C’est les travaux canadiens qu’on essaye de retranscrire avec 40 ans de retard, il faut de l’aérobie, de la musculation, de l’équilibre, de la souplesse, donc finalement ça relève de sports différents. Faut-il donc favoriser les clubs omnisports, les clubs affinitaires, et comment les fédérations monosport peuvent s’entendre entre elles pour peut-être avoir une licence multifédération pour sortir des licences sport-santé à 25 euros par exemple, et pris en charge par les mutuelles/assurances. Donc comment passer du politique au concret, et au concret je peux vous dire qu’en Île de France c’est très compliqué de développer le sport santé dans les clubs, avec des médecins qui ne sont pas informés.

R : Oui…Et non ! Je trouve qu’on chemine et qu’on avance, de plus en plus sur des clubs qui se tournent vers de nouveaux publics, déjà assez récemment vers le loisir et non plus seulement vers la compétition, donc de plus en plus d’activités de loisirs, et aujourd’hui on a également une vraie prise en compte qu’il y a une organisation collective à avoir pour accueillir de nouveaux publics et de nouveaux patients. Parfois ça passe par des étapes (j’ai dit l’aviron, parce qu’il y a eu tout ce développement des dragon boat, dragon ladies qui se sont développés avec des femmes atteintes de cancer du sein et qui se sont développés dans plusieurs villes en faisant des compétitions entre elles, mais l’objectif c’est ensuite qu’elles permettent d’aller dans un club d’aviron ou de canoë dont le public accueilli traditionnellement est un public de club sportif. Mais ça veut dire qu’il faut une qualification de nos éducateurs sportifs et donc qu’elles progressent aussi comme a progressé la qualification de nos étudiants en STAPS, comme doit progresser la qualification de nos médecins et du coup de permettre qu’ensemble on chemine pour mieux accueillir tous ces patients. Moi je suis pas aussi pessimiste, je trouve que même si c’est avec 40 ans de retard ça chemine… […] On a besoin d’un échange de plus en plus important entre valides et invalides dans les clubs, et on doit maintenant accueillir l’ensemble des publics dans le mouvement sportif, faire une vraie place à tout le monde. Mais c’est une vraie révolution copernicienne hein ? Pour nous tous, pour le patient comme pour l’ensemble des acteurs de la chaîne.

Q : Ce qu’il semble manquer c’est cette porosité entre les STAPS qui forment des enseignants en APA et les éducateurs sportifs pour permettre aux personnes en situation de handicap de continuer sur le long terme l’AP.  Ma question c’est où est-ce qu’on en est au niveau des décrets de la reconnaissance des professionnels en APA et quelles sont les complémentarités entre les professionnels de santé (kinés) et les professionnels du sport (enseignants en APA, éducateurs sportifs)

: Alors j’ai évoqué tout à l’heure, votre association des APA est représentée dans ce groupe à la DGS de Xavier Bigard où on a l’ensemble des acteurs concernés aujourd’hui par ce parcours de soins. On a aujourd’hui un accord signé entre les doyens des facs de médecine et des facs de staps pour avoir une passerelle entre les deux facs, y a aujourd’hui une démarche de travail engagée qui part du patient. Différents types de patients, et quelles sont les qualifications qui sont nécessaires  pour prendre en charge ces patients et où est-ce qu’on trouve ces qualifications. Et donc c’est de cette façon là qu’ils ont travaillé, en regardant les patients avec les pathologies les plus sévères dans les moments les plus aigues, qui prend ça en charge et comment on forme les toubibs. Pour prendre en charge ces acteurs à quel moment on peut les confier à des APAS, à quel moment on peut les confier à des éducateurs sportifs quand ils ont tel type de formation. C’est vraiment une démarche qui part des types de patient, c’est ça le travail qui est en cours. Quelles sont les qualifications requises pour bien prendre en charge ces patients ? Parfois c’est celles d’un kiné, parfois d’un APA. C’est cette démarche qui est engagée, et ça dépend aussi de l’environnement.
Aujourd’hui dans un centre de cancéro c’est surtout des kinés qui sont présents, on commence à voir arriver des APA mais qui ont été formés dans les centres de cancéro. Et puis on voit donc kinés, APA, dans des circuits réseaux sport-santé, dans les phases initiales de reprise de confiance, de mise en activité, plutôt des APAS, mais si derrière on a pas des clubs avec des éducateurs sportifs qui sont formés correctement pour que ça s’inscrive dans la durée dans le club sportif, et ben on aura échoué tous ensemble. C’est là-dessus que je me suis battu, et c’est honnêtement aussi ce qui m’a mis en colère à un moment, d’avoir oublié le patient pour ne regarder que sa cuisine personnelle… Mais ça a l’air d’avancer vraiment dans le bon sens et je pense que ce sera une satisfaction pour tout le monde, mais il reste des corporations… Dès qu’on veut évoluer dans notre pays on le voit, c’est toujours difficile de faire bouger les lignes.

Q : Trois questions, comment faire du mutlisport dans les fédés ? On en est où de la communication, parce que patients et médecins ne sont pas trop informés ? Et qui finance ? Les collectivités, est-ce qu’il y a des subventions, les mutuelles et les assurances, ça se passe comment ?

R : Il faut qu’on soit à l’écoute du type d’activités que les patients non seulement peuvent faire mais ont envie de poursuivre. C’est un débat à avoir avec le mouvement sportif à une licence multisport, on y réfléchit pour les enfants et il faudrait peut-être y réfléchir à l’avenir pour des gens plus âgés et des patients, ce débat n’a jamais été mené aujourd’hui, ni dans le mouvement sportif ni avec l’état. Concernant le financement, aujourd’hui ce qui est clair c’est qu’il y a une consultation, il y a un débat pour savoir si le médecin doit avoir une liste importante, ça peut ne pas être une consultation classique, donc il a une formation pour savoir quelle activité physique prescrire, mais cette consultation est-ce que ce sera un C à 23 euros ou est-ce que ça peut être aujourd’hui qui coûte plus cher, parce que plus longue, plus coûteuse, voilà… En ce moment c’est en travaux. Ensuite l’objectif il est clairement, il faut pas imaginer qu’on sera dans une prise en charge en dehors de l’acte médical, des actes les uns à côtés des autres. C’est à dire qu’il n’y aura pas une consultation chez l’éducateur sportif et donc une prise en charge à l’acte. Ce qui a été aujourd’hui organisé c’est de se dire que les patients seront dans des réseaux sport-santé avec des gens qui ont les qualités requises pour les prendre en charge, ce réseau sera gratuit pour eux. Donc il y a des mutuelles qui ont décidé de mettre des sous sur la table (500€ sur deux ans de droit de tirage sur deux ans pour ceux qui auront une AP par exemple, mais évidemment dans une structure labellisée avec les qualifications requises). Des financements mutuelles/assurances y en a de plus en plus, y a aussi des lieux prêtés par les collectivités. C’est pas de la monnaie mais c’est utile, c’est quelque fois du matériel, parfois des associations de patients qui se regroupent pour financer du matériel adapté ou des choses comme ça. On n’a aujourd’hui pas un gros soucis de prise en charge financière. Les aspects économiques de réduction des coûts font que voilà, y en a de plus en plus qui ont envie de nous accompagner dans cette prescription, donc le sujet financier n’est pas le sujet le plus prégnant, même si une des inégalités que moi je vois c’est une inégalité territoriale. Être loin, à la campagne, c’est déjà difficile, évidemment le centre de cancéro et le spécialiste il est dans la grande ville. Donc l’inégalité elle est pas trop financière mais plus territoriale parce que ces réseaux ils vont d’abord se constituer autour de grands centres urbains.

Q : (Mireille Chanel, fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire) : notre fédération a un institut de recherche en AP et santé et mène des recherches sur différentes pathologies de manière à élaborer des programmes qui pourront s’adapter à ces patients. Contrairement à ce que vous disiez Monsieur, nous nous avons du mal à les faire partir de ces cours spécifiques, parce qu’ils se créent un lien et ils trouvent un confort dans ces séances et ils ne veulent pas quitter le groupe. Donc on voudrait faire perdurer ces séances dans la continuité, dans la durée pour avoir un profit. Donc on voudrait les faire quitter ce cours pour les mettre dans un cours dit « normal » mais on a du mal. On a travaillé sur diabète et surpoids et les spécialistes en ont déduit qu’il fallait travailler de telle et telle manière pour répondre à ces patients, pareil pour le cancer du sein. Voilà c’était un témoignage. D’ailleurs nous avons travaillé avec M. Toussaint.

R : Oui c’est pour ça que je suis pas pessimiste moi. L’activité physique fait que l’équilibre alimentaire de ces patients est mieux respecté, un équilibre personnel, mental, l’AP ça aide, si on fume un peu aussi etc. C’est tout l’environnement en fait, c’est bénéfique pour tout, pas que pour l’AP en tant que telle. Souvent on diminue sa consommation d’alcool, de tabac etc., pour finalement avoir un résultat de santé global.






[1]http://www.valerie-fourneyron.fr/actualites/communique-de-presse-les-deputes-disent-oui-au-sport-sur-ordonnance.html